Un
repas chaud sera servi, et à la tombée de la nuit, on
allumera la fâille, ce bûcher dont les flammes
sont une célébration de la lumière qui, en cette
époque du solstice d'été, nous donne les plus
longues journées de l'année.
HISTOIRE
DU FEU DE LA SAINT JEAN
La fâille,
dont les origines remontent à la plus haute antiquité,
est une coûtume ancestrale ressuscitée localement par
les Amis de Viuz-Faverges en 1985. La renaissance de cette célébration
a fait tache d'huile: de nombreux villages autour de la vallée
allument dorénavant aussi la fâille, et depuis le Crêt
de Chambellon il est possible d'apercevoir les flammes de ces bûchers
sur les flancs ou les sommets des montagnes des alentours.
Il y a trois mille ans (et probablement
bien avant encore), les Celtes célébraient déjà
la lumière de cette manière; leur habitude d'allumer des
brasiers sur les sommets se perpétue, par exemple, dans la fête
nationale suisse. Selon Pline l'Ancien, les Romains eux aussi fêtaient
le solstice d'été par de grands brasiers; en Ligurie,
où au moins deux montagnes portent le nom d'un dieu solaire,
la tradition s'est perpétuée de façon quasi ininterrompue
depuis la nuit des temps.
La date
du feu de joie païen variait selon la tradition locale; certains
allumaient le bûcher au printemps, comme célébration
du renouveau, d'autres attendaient le solstice d'été.
La pratique de sauter par dessus les braises une fois que la fâille
s'est effondrée, viendrait plutôt d'un ancien rite de
purification associé à la fête du printemps. On
voit ainsi comment deux fêtes différentes se sont confondues
après tant de siècles, sans pour autant sombrer dans
l'oubli.
La civilisation
judéo-chrétienne s'est adaptée au culte païen en intégrant ses plus
fortes célébrations fixées d'après le calendrier solaire. Ainsi, ce
n'est pas du tout un hasard si la naissance du Christ est fêtée au
solstice d'hiver ( le 24 décembre, le jour le plus court de l'année;
on y brûle par ailleurs une bûche de
Noël,
qui ne manque pas de rappeler le feu de joie du solstice d'été...)
Saint Augustin, dans un sermon précise : "A la naissance du Christ
le jour grandit, tandis qu'à la naissance du précurseur (Saint-Jean
Baptiste), dernier prophète, il diminue".
Dès
le temps de Clovis (fin du Ve siècle), on transformera la tradition
du feu de joie en célébration de la naissance de Saint
Jean Baptiste, celui qui a baptisé le Christ qui sera "la
lumière du monde" ... d'où le lien le plus évident
avec le solstice d'été et le feu de joie.
Il
est intéressant cependant de noter que le mot fâille
vient du bas-latin favilla, ce qui signifie
braise. Le fait que ce que nous appelons
maintenant un feu de joie soit nommé
non pas pour sa flamme mais pour sa braise, suggère que l'importance
du rite se situait à l'origine autour de la braise, et donc
du saut purificateur qui n'a trouvé aucune place ultérieurement
dans le christianisme.
De nos
jours, l'on fête la Saint Jean de la péninsule ibérique
jusqu'en Lituanie. Cette célébration peut servir à
nous rappeler un héritage européen commun que nous partageons
tous depuis des millénnaires.
Pour
les Amis de Viuz-Faverges, c'est l'occasion de se retrouver tous ensemble,
de renouer avec les amis et la famille, et de rencontrer des visiteurs
qui reviendront peut-être d'année en année.