Petit Lexique de
Patois
Le patois savoyard
appartient à la famille du franco-provençal. Comme tout
patois, il n'avait pas de forme écrite; de plus, il variait de
village en village, et de vallée en vallée. C'est avec
l'alphabétisation que l'on commence, au XIXe siècle, à
étudier les patois savoyards: c'est cette même alphabétisation
qui introduit la langue française courante qui finira par remplacer
le patois au XXe siècle. Cependant, de nombreuses expressions
de patois savoyard subsistent dans la langue courante, tout particulièrement
dans les noms de lieux et dans la description de la vie rurale. Même
avec la standardisation de la langue, de nombreuses variantes de ces
expressions sont toujours utilisées et témoignent de la
richesse des patois de Savoie.
Le Serveur Savoie
vous invite à contribuer des expressions (vocabulaire, proverbes,
etc,) de patois pour enrichir cette page qui n'est que l'ébauche
d'un travail de longue haleine.
- Un texte de
Paul Guichonnet et un petit lexique de patois se trouvent à
la page "Savoy" d'Éric Daghé.
- Nos amis suisses
présentent un lexique
d'expressions de Suisse romande et de Savoie.
- Un lexique
de toponymes de Suisse romande, Jura, Savoie, Val d'Aoste, sur
le serveur du CERN.
- Le Centre de la Culture Savoyarde à Conflans (Albertville) organise
tous les ans un concours
de patois
qui rassemble des patoisans de Savoie, Bresse, Nord-Dauphiné,
Val dAoste, et Suisse Romande.
- La Société des Auteurs Savoyards organise de nombreux salons où
auteurs et lecteurs peuvent se rencontrer...
- Un texte en
patois, fourni par Pierre Grasset, se trouve à la page "conte."
LES
LIEUX
Un coup d'oeil
sur une carte de Savoie montre que les noms de lieux se répètent
assez souvent. Le sens de ces noms, en patois, est souvent descriptif
de l'endroit.
LA BALME, BALMETTE
: Grotte
LE BOUCHET : Lieu garni de bosquets
LE CHOSAL : Maison en ruine
LA CHOUIA : Le chemin
LA COMBE : Vallée en flanc de montagne
LES CÔTES : terrains en pente à flanc de montagne
LES FINS : Bonnes terres
LE FONTANIL : endroit où se trouve une fontaine
LE FORON : torrent
LES ILES : un endroit isolé
LE MOLLARD : une grosse colline ronde
LE MOLLIER : endroit humide
LE NANT : ruisseau, petit torrent
LE PASSA-FRANC : le raccourci
LE PLAN : Lieu relativement plat
LES PLATIÈRES : les plateaux
LA PERRIÈRE : Lieu rempli de pierres
LES PRAZ : Les prés.
LES RAPINES : terrains en pente et peu aisés à travailler
LE RIVAL : Cours deau
LA SAISIE, LE SAIX, SAXONNEX, etc : la roche
LA SAUFFE, LA SAUVE : Lieu où se trouvait une sauve (maladière),ou
hospice
LES TEPPES, LES TATTES : Terres en friche
LA TOUVIÈRE, LE THOVEY : Carrière de tuf
LE VILLARD : hameau
LES
CHOSES
L'ABADÉE
: remontrance, engueulade
L'ARCHE : huche pour la farine
LE BABU : épouvantail.
LA BARAUTE : brouette, anciennement un tombereau ( latin bi rota
, deux roues )
LA BARAUTIÈRE : chemin à travers champ
LE BIDOYON : cidre
LE BILLON : tronc d'arbre scié par les deux bouts (du gaulois
*bilio, arbre)
LA ou LE BIOLE : le bouleau
LE BISOLET : petit vent froid, courant d'air
LES BOUDÈRES : feu de la St Jean (à Conflans...) (cf.
FÂILLE...)
LA BOSSE : tonneau de grande capacité
LA BOUVÉE : l'étable (dans le Beaufortain)
LE BRI : le berceau
LA BUGNE : crêpe frite préparée à la Chandeleur
et à Pâques
LE CARCASSU : désigne un plat fendu
LA CASSE : louche pour prendre l'eau (cf. PÔCHE ...)
LE CERTOUX: la cave (dans le Beaufortain)
LA CHOPINE : picholette de vin. On dit aussi un «cinquième.»
LA COQUELLE : marmite en fonte
LE CORAILLON : trognon, coeur du chou et de la salade
LE COUÈCLE : couvercle (de marmite)
LES CROZETS : petites pâtes carrées, souvent au sarrasin
LA DAYE : le pin sylvestre
LA DÉSALPE : la descente du troupeau de l'alpage en fin de saison
LE DIOT : saucisse bien connue, généralement cuisinée
au vin blanc
L'EMPLÂTRE : un coup qui laisse sur place
LES ÉQUEVILLES : déchets ou copeaux
L'ÉVEILLON : une gifle qui réveille
LA FÂILLE : feu de la Saint-Jean; du bas-latin favilla,
la braise
LE FAITOUT : marmite à tout faire
LA FANFIOURNE : petite histoire sans intérêt; « Qu'est-ce
qu'il peut en raconter,
des fanfiournes. »
LE FARTO : cellier, caveau pour les fruits, le fromage, le vin, les
patates ...
LE FAYARD : le hêtre
LA FÉRA : poisson des lacs; s'appelle corégone
ou lavaret dans d'autres régions.
LE FRUIT : production laitière (le fruit de la vache)
LA FRUITIÈRE : laiterie coopérative de village
LE GABION : petit chariot à bras
LES GAUDES : bouillie de maïs, ressemblant à la polente
LE GORLION : tronc de sapin avec ses racines
GOUILLE : creux rempli d'eau; « Ça pleut toujours dans
les grandes gouilles »
(Proverbe qui signifie que l'argent va toujours à l'argent)
LA GOYARDE : petite hache
LE GRATTACUL : fruit de l'églantier
LA GROLLE : en Val d'Aoste, une coupe en bois, ressemblant à
un chasuble, dans laquelle on sert du vin cuit: le mot viendrait du
latin vulgaire *cratalem , lui-même issu du grec kratêra
LA GROLLE : en Savoie, coupe à multiples becs à laquelle
on boit du vin cuit à tour de rôle
LA KINKERNE : la vielle à roue
LA LAUZE : tuile de pierre utilisée pour couvrir les toitures
LA LICHÉE : une petite quantité; on rajoute une lichée
de vin au potage
LA LONGEOLLE : saucisse au cumin faite de tripes, chair et couenne de
porc
LA MAJON : la cuisine (dans le Beaufortain)
LE MATAFAN : beignet épais à base de farine, d'oeufs et
de lait
LA MOJON (MODZON) : la génisse
LA MANOUILLE : anse d'un pot ou d'une tasse
LE MOULE : mesure de volume de bois; varie selon la vallée
LA PANOSSE : serpillière
LE PÊLE : la chambre principale d'une maison (dans le Beaufortain);
petite chambre chauffée par un poêle
LA PEUFFE, PEUFLE : poussière; «Quand tu balaies, c'que
tu fais comme peufe!»
LE PLÉYON : torchon
LA PÔCHE : louche. se dit « le pochon » dans le pays
de Gex
LE POIDS : balance; «Va chercher le poids pour peser le grain.»
LA POLENTE : semoule de maïs préparée dans un bouillon
LA RACINE : carotte. Ce dernier terme était quasiment inconnu
au début du siècle.
LA RÂFE : la diarrhée
LES RAMEPOIS : rames, tuteurs pour pois et haricots
LES RAMIURES : rames, branches utilisées commes tuteurs pour
soutenir pois et haricots.
LA RINCÉE : orage; « En revenant du marché, on
a pris une de ces rincées! »
LA SAISIE, SAISIAZ : la roche; le Col des Saisies, Plateau des Saisies.
LA TARTIFLE : pomme de terre
LE TASSIN, TASSON, TACHON: le blaireau
LE TAVAILLON : planchette de bois utilisée pour les toitures
LE TOUPIN : pot en terre vernissée
LA TOUPINE : jarre en terre vernissée d'une contenance de huit
à dix litres où l'on conservait le beurre fondu ou le
saindoux
LA TOMBÉE : une très petite ration; « Tu viens boire
la goutte? Je veux bien, mais juste une tombée. » On dit
aussi un doigt, une larme
LES VAROSSES : hautes herbes des alpages
LA VERNE : l'aulne (du gaulois *verna )
LE VUARNE, VARGNE: sapin blanc ( du gaulois *varno )
LES
GENS
LES BOËBES
: marmots; « Elle s'en voit avec tous ses boëbes... »
LE BORNALU : désigne un homme au visage grêlé, comme
par la petite vérole.
LE CACANIOLET : un homme tâtillon, lent, minutieux
LE DÉCAPADIOT : grande personne peu agile de ces membres (personne
suffisament grande pour décaper (décrocher) les diots
pendus au plafond des caves.)
LE DIAN-DIAN : un benêt
LE GAILLAFANT : désigne un jeune homme peu dégourdi
LE GAPIAN : un vaurien
LE GATION : gaté ou chéri pour un enfant
LE MAGNIN : étameur, réparateur d'ustensiles de cuisine,
qui passait dans les maisons. Les enfants lui criaient; «Souffle,
souffle, magnin, pour gagner ton pain.»
UNE NIOUGNE : une bonne à rien
UNE PANOSSE : une femme de mauvaise vie
LE RADICHON : un avare
LE RAPATIN : rapatouilleur. (une explication plus claire serait bienvenue).
LE RAPONDU : un homme très grand
LE SERRE-PATINS : un avare
LA SNIULE : personne qui se répète, qui traîne;
« Cette femme, quelle sniule! »
LE TATU : désigne quelqu'un de borné. (têtu).
ADJECTIFS
AFFANÉ
: Gagné à la sueur de son front; « Les sous qu'il
a, il les a bien affanés. »
BROSSU : Décoiffé; « Tu aurais dû le voir
ce matin: il était tout brossu. »
CAOUÉ : Crotté, mouillé; « J'ai été
surpris par la pluie et je rentre tout caoué. »
ÉCHARBOTÉ : Décoiffé, dirigé dans
tous les sens; « Ses cheveux étaient tout écharbotés.
»
ÉDIOFÉ : Écrasé, coincé; «
Les poires sont tout édiofées dans mon sac. »
GRÉMOTTU : Rugueux. « La peau des poires est toute grémottue
cette année. »
EXPRESSIONS
DIVERSES
ADIEU : Terme
de salutation, bonjour. Se dit en rencontrant quelqu'un, et non pas,
comme en français, au moment de prendre congé.
A'RVI, A'RVI PA : Au revoir. PA ou PÂ est une forme raccourcie
de "n'est-ce pas" .
ARSOUlLLER : Mal recevoir, ou reprendre durement quelqu'un; «
Je ne vais pas chez elle, car c'est juste bon pour se faire arsouiller.
»
AU : Remplace souvent "chez" : « Il va au coiffeur,
au docteur... »
BON ESTOMAC (avoir) : Se dit de quelqu'un qui chante fort. « Le
Joseph, il a bon estomac. »
BOURRÉES (par) : Irrégulièrement; « Hier,
on a eu du monde par bourrées. »
ÇA S'EST EU VU - Ce passé surcomposé signifie:
« On a vu/connu autrefois... »
CE SOIR : Hier soir.
ÇA M'A BlEN FAIT DU BlEN. « Cela m'a fait grand bien
.»
C'EST BIN TANT BON ! : « Cela est bien bon. »
C'EST SÛR ÇA ! : « Certainement! » A
l'interrogatif , signifie « C'est bien vrai? »
CUBELLER : tomber
DÉMONTAGNER : descendre les vaches de l'alpage en fin d'été
DE
BIZINGUE : de travers
DÉCROÎT : Atrophie d'un membre; « Mon frère
a le décroit au bras gauche.»
DES FOIS : Employé improprement à la place de «
parfois.»
DONNE-M'LE : « Donne-le moi. » Le patois ne distingue
pas « moi » de «me.»
DONNER UNE POIGNÉE D'ÉLAN : Donner un coup pour faire
bouger
DRÉ
: tout droit
EMPRAILLER : Remettre en prairie. « J'ai empraillé mes
champs d'en haut. »
ENCORE : Ce mot indique une certaine nuance, par exemple de regret;
« Il parait que vous avez encore été malade?
» , de joie: « Vous avez encore bonne mine! »
ÉPEUFER : Repousser violemment; « Je me suis fait épeufer.
»
ÉTRAMER : Retirer; « Tu n'as pas étramé
la viande et le chien l'a emportée. »
GÔGNES (faire des) : Faire des manières ridicules; «
Arrête de faire des gôgnes, et sers-toi. »
LE GROS DU JOUR : La plus grande partie de la journée
MERCI À VOUS : Au lieu de « Je vous remercie. »
OCTANTE : Quatre-vingts; se disait dans le Genevois et les communes
frontalières. On dit toujours huitante à Lausanne
et en Valais.
OUISTER : Menacer avec une baguette.
PITALER : Marcher vite et beaucoup; « Qu'est-ce qu'il a à
pitaler comme ça ce matin! »
REVIENS-Y ! : expression ironique, « Ne recommence pas! »
RIEN : Négation; «Oh, n'ayez pas peur du chien, il n'est
rien méchant. »
RIEN QU'EN Y VOYANT J'Y VOIS : C'est évident
SACOGNER : Secouer brutalement.
SEULEMENT : Donc; «Faites seulement!» ou «Reprenez
seulement du jambon!»
TANTÔT : Plus tard, cet après-midi, ce soir, demain; «
Jte verrai ctantôt. »
TOUCHER LA MAIN : Serrer la main.
TOUTES (les avoir) : Série d'ennuis. « Je les ai bien
toutes eues cette année. »
UN : Semploie couramment au lieu de « celui » ; «
Un qui aurait su ça... »
VOIR : Employé comme adverbe, il apporte une nuance au verbe
principal; « Dis voir un peu ce que tu penses de ça.
» « Regarde voir si l'facteur est passé.
»
VOULOIR : Exprime la possibilité, l'éventualité;
« Ça veut pleuvoir c'tantôt »
Y : Semploie à la place du pronom dobjet «
le », « la », ou « les » ; «
Ça, jaime pas y faire. »
Certaines de ces
expressions ont été trouvées dans l'Almanach
du Vieux Savoyard
qui est une mine de renseignements sur la région. Cet almanach
régional se vend en librairie et est publié à Annecy-le-Vieux.
( tel: 04 50 09 95 03 ).
Salutations aux
lecteurs de le revue trimestrielle
L'Alpe qui mentionne
cette page dans son No 25 de l'automne 2004 .
Remerciements
aussi à ceux qui ont contribué au lexique: Jean &
Odette Brassod, Guillaume Teixeira, Henri "Jean-Fli" Maniglier,
Raphaël Vuillermet, Guy Renaud, Pierre Grasset, Eric Daghé,
Didier Delattre...
Page and images
©1997, 2004 by Robert F. Jeantet
dernière mise à jour le 2 octobre 2004
fin de la page
|